« Le moyen d’aimer une chose est de se dire qu’on pourrait la perdre. »

Aleksandre arriva seulement quelques minutes plus tard sur le parking du medical center et se gara non sans peine, vu que le parking était plein à craquer. Il avait déjà remarqué que c'était presque toujours le cas, comme si un nombre incalculable de personnes avaient besoin de venir tous les jours pour x raisons. Il faut croire que la santé serait toujours un secteur en voie d’expansion puisque les malades et accidentés ne manqueraient jamais. Une fois garé correctement, il coupa le contact et sortis du véhicule d'un pas qui se voulait assuré. De l'autre côté, Lily s'extirpait également. Quand elle referma la portière il appuya sur le bouton qui ornait ses clés pour enclencher la fermeture automatique. Ah, technologie quand tu nous tiens ! Aleksandre rejoignit Lily de l'autre côté du véhicule et quand il arriva à la hauteur de cette dernière, elle lui prit la main et la serra dans la sienne. Aleksandre lui rendit son étreinte. La chaleur de la main de Lily dans la sienne le réconfortait, il savait qu'elle était à lui, qu'elle ne partirait plus de la même manière que lui il lui appartenait et ne la lâcherait pas tant qu'elle voudrait de lui. Ainsi, c'est ensembles, pour le meilleur et surtout pour le pire qu'ils franchirent tous deux le seuil du medical center.

L'hôpital, une étendue de couloirs blanc nacrés, hantés par une multitudes de personnes en blouses blanches, de quoi faire frémir n'importe qui. Les seuls sons qui transparaissent sont les bavardages à voix basses des médecins, les bips des monitorings et de temps en temps des pleurs et des cris de douleurs. Il est clair que l'hôpital n'est pas l'endroit où tout le monde voudrait se trouver. Aleksandre se souviens d'une fois où il s'était retrouvé à l'hôpital, dans cet hôpital. Il s'était brisé le poignet suite à un match de football américain durant lequel il avait essuyé un plaquage mesquin et violent d'un adversaire. Il avait été amené en ambulance jusqu'à l'hôpital et il avait patienté une heure dans une salle d'observation, encore habillé en tenue de sport, tandis que sa sœur Roxane, les larmes aux yeux, lui tenait la main, encore vêtue de sa tenue de pom pom girl. Les infirmiers répondaient aux questions interminables de Roxane, qui inquiète pour son frère plus que de raisons, les harcelaient littéralement. Le personnel de l'hôpital cru même qu'elle était sa petite amie. Mais Aleksandre et Roxane ont toujours eu un lien très fort, c'étaient pas des jumeaux pour rien. C'était une des rares occasions ou Aleksandre avait fait un tour à l'hôpital, puis même en salle d'opération. Et il en gardait un mauvais souvenir. Il n'avait eu qu'une envie, rentrer chez lui se faire dorloter pas sa jumelle. L'autre fois où il était venu à l'hôpital, c'était pour voir son grand père qui mourrait d'un cancer virulent de l'estomac. Il se souvient encore de la blancheur cadavérique du vieil homme qu'il aimait tant, relier à la vie par une multitude de fils qui lui sortaient de partout pour rejoindre des perfusions en tout genre et des appareils sophistiqués. Donc le jeune brun ne portait pas particulièrement les hôpitaux dans son cœur, il savait qu'ils représentaient souffrances et mort. Il les évitaient comme la peste d'habitude, mais cette fois il avait décidé de passer outre ses réticences pour soutenir Lily qui semblait à deux doigts de s'effondrer.

Enfin il rentra dans la chambre. Une jeune fille aux longues boucles blondes semblait endormie paisiblement. Son visage si doux n'étaient pas sans rappeler la beauté angélique de sa mère. Il ne l'avait jamais vu auparavant, à part sur quelques photos qui dataient de l'époque où elle n'était qu'un nourrisson que Gossip Girl avait posté. Aujourd'hui encore, Aleksandre se demandait comme cette peste avait pu se procurer des photos pareilles. Tandis que Lily serrait sa fille dans ses bras, Aleksandre se sentit mal à l'aise, comme s'il était un intrus dans un moment important entre une mère et sa fille. Hésitant quand à la démarche à suivre, Aleksandre se posta au fond de la pièce contre un mur juste à côté de la porte. Comme ça si Lily préférait être seule il sortirait de la chambre. Mais Lily borda la jeune enfant et se tourna vers Aleksandre et lui dit qu'elle était prête à lui dire la vérité. Aleksandre avait attendu ce moment depuis qu'il était tombé amoureux de Lily. Il en rêvait car ça scellerait la confiance que lui portait la jeune maman. Et pourtant il ne pouvait s'empêcher d'être anxieux à l'idée de ce qu'il allait découvrir. Et s'il ne supportait pas ce qu'elle allait lui dire ? Mais il devait trouver le courage d'écouter son histoire et d'accepter le passé de la jeune femme. Il s'assit donc dans le fauteuil face à elle, lui pris les mains et écouta son histoire.

Aleksandre resta bouche bée face à ce qu'il entendit ! Il était choqué, choqué que Lily puisse vivre tout ça, choqué qu'elle endure tout ça sans personne pour l'épauler. Elle avait été violée à ses seize ans, et sa fille qu'elle n'avait pas désirée mais qu'elle aimait plus que tout était atteinte de la mucoviscidose, maladie qui venait d'empirer à cause d'un virus qu'elle avait attrapé et sa seule chance de survie était de recevoir une greffe de poumons. Comme quoi quand la vie décide d'être garce elle met le paquet. Aleksandre accusa le coup et garda le silence. Il s'était attendu à des tas de choses, mais pas à ça. Il s'en voulait terriblement de ce qu'il entendait. À l'époque où il était arrivé à Manhattan, Lily était une fille manipulatrice qui flirtait avec beaucoup de mecs et n'hésitais pas à piétiner quiconque se mettait en travers de sa route. Aussi quand u jour au lendemain, elle s'était renfermé sur elle même et montrée plus faible, Aleksandre ne l'avait pas prise en pitié et avait profiter de sa faiblesse pour l'achever. Maintenant il se rendait compte à quelle point elle avait dû souffrir, à quelle point ce qu'elle a traversé était dur, et il s'en voulait terriblement d'en avoir profiter pour lui faire plus de mal. Aleksandre n'avait jamais été un enfant de cœur, il prenait ce qu'il voulait et détruisait ce qu'il ne voulait pas. Lily avait finalement fait partie de ses victimes, il lui avait fait du mal à une époque où elle était vulnérable. Le jeune Johnson se fichait bien de faire du mal à ses victimes, mais en apprenant ce que Lily avait vécu au moment où lui ne pensait qu'à conquérir son trône par tous les moyens nécessaires, il ne pouvait s'empêcher de s'en vouloir terriblement. Il avait été un monstre d'égoïsme. Il ne méritait pas d'être avec Lily. Elle méritait mille fois mieux que lui. Il repris alors doucement la parole.

- Lily, je suis vraiment désolé. Je suis désolé que tu ai dû endurer de pareils choses, personne ne devrait vivre ça. Je suis désolé de t'avoir fait dû mal sciemment, d'avoir profiter de ta vulnérabilité à cette époque. Je m'en veux tellement... Dire que tu vivais tout ça et que je ne pensais qu'à me venger et de te faire sauter de trône pour prendre ta place. Je suis un véritable enfoiré... J'arrive pas à croire que t'ai vécu de telles choses et que tu ais tout gardé pour toi pendant si longtemps. A mes yeux, tu es la fille la plus forte que je connaisse Lily.

Il se renfrogna soudainement, assimilant le mot viol qui le dérangeais tellement. Cette idée était juste insupportable. Aleksandre avait beaucoup de défauts, trop de défauts, bien plus de défauts que de qualités. Il jouait avec les filles, leur brisait le cœur, les considérait comme des objets. Mais jamais au grand jamais il n'aurait pu violer une fille. C'était une chose qui le répugnait au plus au point. Savoir que des personnes étaient capables d'un tel acte le dégoûtait. Il ajouta alors d'un ton tendu :

- Et tu as porté plainte pour... Tu sais quoi ?

« Le moyen d’aimer une chose est de se dire qu’on pourrait la perdre. »

L'amour, c'était un mot bien étrange qui recelait bien des définitions. Il y avait l'amour fraternel, un amour que connaissait trop bien Aleksandre à cause de sa sœur jumelle Roxane. Cet amour était si puissant que le jeune homme serait prêt à tout sacrifier pour sa sœur, peut importe ce que ça lui coûterait à lui, tout ce qui comptait était que sa sœur soit heureuse. Ensuite il y avait l'amour amical, quand on se lie avec des personnes, par choix, et qu'on se rend compte qu'on les aimes et qu'on sera toujours là pour eux. Si on choisit ses amis c'est une bonne chose, parce que c'est aussi un engagement l'amitié, devoir agir de manière à ne pas blesser ceux qui comptent pour nous. Il y a aussi ceux qu'on aime d'un amour inconsidéré, c'est bien plus que de l'amitié, presque de l'amour fraternel. On donnerait tout pour protéger ce genre d'amour parce qu'on sait que si on le perd, on perd une part de soi-même, on se trahit soi-même. Et enfin il reste un autre type d'amour très singulier : l'amour vrai. Ce genre de chose est très rare et précieux, mais très dangereux aussi. Car si l'on trouve une personne qui obsède à ce point et qu'on cède devant nos pulsions, on lui offre une part de notre âme. Si bien que si la personne n'est pas digne de confiance et finit par vous trahir, elle déchirera une part de votre âme en partant. Personne ne devrait jamais tomber amoureux, c'est une grande souffrance maquillée par de la joie, ce qui rend cette souffrance d'autant plus dangereuse. Parce que tant qu'on sait que notre amour est réciproque, on nage dans le sens du courant, vivant en parfaite communion avec la vie. Mais dès que tout s'écroule, le bonheur laisse place à une grande souffrance enfouie qui n’a fait que croître en attendant de pouvoir s'exprimer. Le courant change alors de sens et on se noie.

Mais quand on est amoureux, on s'en fou des risques. Tout nous apparaît si beau, si parfait, on ne réfléchi même plus normalement, on n'est plus que l'ombre de ce qu'on était avant. Et vient le moment crucial, le moment où chacun raconte à l'autre ses bagages. Aleksandre n'avait pas encore parlé de ses bagages à Lily, c'était bien trop tôt et ça allait la faire fuir. Mais cette dernière venait de lui raconter les siens. Et ce moment était crucial car il déterminerait l'avenir de leur couple. Aleksandre l'accepterait-il avec tous ses bagages ? Car ils étaient nombreux. Une fille qui avait changé du tout ou tout, tout ça à cause d'un viol qui l'avait traumatisé à juste titre. Une fille qui s'était retrouvée enceinte trop jeune et avait gardé l'enfant. Une fille qui se retrouvait mère d'une petite fille gravement malade. Oui, ses bagages étaient lourds, très lourds. Aleksandre qui n'avait jamais été foutu d'aimer ne serait-ce qu'un peu chacune de ses conquêtes, ou même de les respecter, était tombé amoureux d'une fille mère de famille. C'était peut-être trop pour lui. Il ne pourrait pas gérer. Car sortir avec Lily signifierait également passer du temps avec sa famille, et au final si leur relation devenait sérieuse, devenir une figure paternelle pour l'enfant. Et c'était bien trop tôt pour lui, il n'était pas fait pour être le père de qui que ce soit. Il n'était même pas fait pour la vie de couple, alors pour s'occuper d'un enfant, qui plus est malade en plus. Non, jamais il ne pourrait assumer pareille chose. Il devait tout arrêter, avant de faire du mal non seulement à Lily mais aussi à sa fille. Donc il devait tout arrêter avant de tout foutre en l'air.

Mais Aleksandre était trop égoïste et trop lâche pour faire quoi que ce soit. Il se répétait « cette fois ce sera différent parce que je l'aime vraiment ». Quelle déception, quelle lâcheté. Non, il avait décidé de ne penser qu'à lui, d'en faire qu'à sa tête. Monsieur était heureux, et du coup c'était tout ce qui comptait. Alors il allait gâcher deux pauvres vies pour satisfaire son bonheur. Ce qui comptait c'était lui-même n'est-ce pas ? C'était bien un King qu'on voyait là, prêt à tout pour satisfaire sa petite personne au détriment des autres. Il avait toujours penser qu'il était au-dessus des préoccupations de Blair et Chuck, qui tout deux avaient détruits des tas de vies pour des broutilles. Il avait toujours été persuadé que lui il valait mieux qu'eux parce qu'il n'était pas prêt à faire tout ce qu'eux faisaient. Il se contentait de vivre de son côté sans se soucier des autres, et il pensait que de ce fait il valait mieux que les autres. Mais il se rendait compte à présent que pour satisfaire sa personne, lui aussi serait capable de détruire d'autres vies en chemin, sans même sourciller ou esquisser un semblant de grimace. Non, il s'en fichait royalement des autres, il ne pensait qu'à lui. Alors oui, Aleksandre avait parfaitement sa place au milieu de Blair et Chuck, on comprenait pour ces trois-là étaient bons amis car ils étaient semblables. Et il ne lui servait à rien de simuler, de faire semblant d'être un bon gars. Il fallait être honnête avec lui-même et reconnaître qu'il n'était qu'un pathétique King manipulateur et sadique de Manhattan. Il n'était pas comme Roxane qui était toujours restée fidèle à elle-même et était critiquée pour ça.

Et soudain, comme si elle avait suivit le monologue intérieur d'Aleksandre, Lily reprit la parole après ce long silence et dit une chose surprenante.

- T'es pas un enfoiré Alek. Ne pense pas ça de toi. Comment tu aurais pu savoir ce qu'il se passait à l'époque ? T'as fait ce qu'il te semblait bien, c'est tout. Les excuses ne serviront à rien, ce qui est fait est fait.

Il ne put s'empêcher de hausser les sourcils de surprise. Il n'arrivait pas à croire qu'elle disait ça. Il avait pourtant toujours été persuadée qu'elle le connaissait par cœur et que contrairement aux autres, elle voyait l'homme dégueulasse, manipulateur et monstrueux qui se cachait sous l'apparence d'un homme charmant et séducteur. Et voilà qu'elle affirmait le contraire. Oui, une chose est sûre, quand Lily apprendrait les bagages d'Aleksandre elle serait sans doute dégoûtée de découvrir qu'il était loin d'être l'ange qu'elle voyait. Mais il est vrai qu'Aleksandre ignorait ce que Lily traversait à l'époque, il était donc exclue qu'il ai pu agir d'une autre manière. Il avait agi comme il avait toujours agi. Alors se reprocher cette histoire était idiot et infantile, il fallait passer à autre chose, ça n'avait jamais été son style de se montrer... compatissant.

- Et ne dis pas que je suis une personne forte. Je ne suis pas du tout forte. J'suis fragile, faible. Et ne dis pas que c'est faux ou quelque chose dans ce style, tu ne me connais pas encore... suffisamment...

Apparemment Lily n'avait pas qu'une fausse image d'Aleksandre, elle avait une fausse image d'elle-même. Voilà qui expliquait bien des choses. Mais elle avait bien laissé entendre dans son ton que c'était une affirmation et qu'Aleksandre n'avait aucun intérêt à la contredire. Il ne dit donc rien et la laissa terminer.

- Non, j'ai pas porté plainte pour mon viol. C'est bien plus compliqué que tu peux le penser, Alek. Je... l'ai embras... embrassé. J'avais quinze ans ou seize ans. J'étais à une soirée, avec de l'alcool. Normal, à l'époque. J'étais complétement bourrée cette soirée là... A un moment, j'suis partie pour rentrer chez moi. C'est là qu'il m'a chopé, dans un coin d'une rue. J'ai rien pu faire pour me défendre, j'étais complétement saoule. Quand il a commencé à me toucher, à m'embrasser... J'ai répondu. Je sais pas si tu arrives à comprendre, mais je l'ai embrassé. De mon plein gré. Mon violeur doit sûrement s'en souvenir et pourra le sortir comme contre attaque si je vais me plaindre. Il suffit qu'il dise que j'étais consentante et puis voilà... Mais le pire, ce n'est pas ça. Oh non. Le pire, c'est que j'ai revu mon violeur. Matteo Hummel, peut-être que le connais, il a fait plusieurs conférences à Yale sur la monnaie ou quelque chose dans ce genre. Et il sait qu'il a une fille. Ce connard s'en fiche complétement. Pour lui, Sarah n'existe pas et n'hésiterai pas une seconde à s'en prendre à elle... Alors non, je n'ai pas porté plainte et je ne porterai pas plainte contre lui.

Aucun doute, cette histoire était compliquée. Et Lily avait raison, sans doute qu'elle n'obtiendrait pas gain de cause, la justice était bien trop mal faite. Matthéo Hummel, il ne connaissait pas ce nom. Mais l'idée qu'un conférencier puisse profiter de ses élèves hérissait les poils d'Aleksandre. Il comprenait trop bien que Lily n'avait pas envie de parler de cette histoire, qu'elle ne voulait pas faire les choux gras de Gossip Girl. Mais une pensée s’immisça dans son esprit et il ne put s'empêcher de la formuler à voix haute.

- Mais si tu ne dis rien, il risque de recommencer avec une autre fille...

Il se rendit compte de ce qu'il venait de formuler et se reprit.

- Je comprend que tu ne veuille pas en parler, ne t'inquiète pas. Ça doit être déjà bien assez dur de m'en parler à moi, mais alors en parler à d'autres, porter plainte... oui, ça n'est pas facile, je le comprend. Ce n'est pas à moi de te dire ce que tu dois faire, je ne peux même pas comprendre ce que tu as vécu.